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Le gouvernement de consensus du Nunavut

L'Assemblée législative du Nunavut est l'une des deux assemblées législatives du Canada qui possède un mode de gouvernement par consensus plutôt qu’un mode fondé sur l’appartenance à un parti politique.

Tous les députés de l'Assemblée législative du Nunavut sont élus à titre de candidats indépendants dans leurs circonscriptions respectives. Le mode de gouvernement par consensus s’apparente davantage au processus traditionnel de prise de décision des Inuit. Toutefois, l'unanimité n'est pas requise pour prendre des décisions et adopter des motions ou des textes de loi à l'Assemblée législative. Pour de nombreuses questions, un vote à la majorité simple est requis. Comme dans les autres provinces ou territoires canadiens, l'Assemblée législative régit ses débats et procédures au moyen du Règlement de l'Assemblée législative.

À la suite d’une élection générale, les députés se réunissent au sein du « Forum du leadership du Nunavut » pour élire le président de l’Assemblée, le premier ministre et les ministres lors d'un scrutin secret. Le public peut assister à ce processus. Les choix des députés sont confirmés par motions à la première séance de l’Assemblée législative. Le commissaire, sur recommandation de l’Assemblée législative, nomme officiellement le premier ministre et les ministres. Il n'y a pas de nombre prédéterminé de sièges au Conseil des ministres. Toutefois, le commissaire du Nunavut ne peut nommer une majorité de députés au Conseil des ministres, car le Conseil des ministres doit rendre compte de son administration à l'Assemblée législative. Le premier ministre a la prérogative d'attribuer et de retirer les portefeuilles ministériels. Toutefois, une motion à l'Assemblée législative est requise pour déchoir un membre du Conseil exécutif de ses fonctions.

Le mode de fonctionnement consensuel du gouvernement du Nunavut

Il n’existe pas de définition absolument précise du « gouvernement de consensus » tel que pratiqué au Nunavut. En effet, bon nombre des éléments qui différencient le Nunavut par rapport à d'autres provinces et territoires canadiens sont intangibles, et portent davantage sur la manière dont la politique est menée et les décisions sont prises, plutôt que sur des textes de loi ou des politiques formelles.

Voici une liste de caractéristiques qui illustrent clairement l'approche consensuelle prévalant au Nunavut :

  • Les députés sont élus à titre indépendant plutôt qu’à titre de membres d’un parti politique ayant une plateforme électorale formelle;
  • Les ministres doivent habituellement voter en bloc sur les questions débattue par l’Assemblée législative, mais les députés ordinaires peuvent voter comme bon leur semble sans crainte de sanction ou de peine. Toutefois, des mesures disciplinaires informelles pourraient être imposées dans certains cas à un député ordinaire par l’entremise du caucus des députés ordinaires;
  • Les députés ordinaires occupent une majorité de sièges à l'Assemblée législative. Contrairement aux autres assemblées législatives canadiennes, il n'y a pas de « députés de l’arrière ban » ayant l’obligation de voter selon les préférences du Conseil des ministres;
  • Des examens de mi-mandat du rendement des membres du Conseil des ministres ont été tenus au cours de la première, de la deuxième et de la troisième Assemblée législative;
  • Le caucus de l’ensemble des députés est un organe important au sein duquel les 19 députés peuvent discuter – en toute confiance et d'égal à égal - des questions de leur choix. Les projets de loi et les propositions de budgets doivent être débattus publiquement sur le plancher de l'Assemblée législative, mais les réunions du caucus de tous les députés permettent souvent de régler des différends ou de réaliser des compromis. Le caucus de l’ensemble des députés permet également de discuter de questions pratiques comme le calendrier des travaux de la Chambre, l'examen des affaires internes et la date des élections. C’est le Conseil des ministres qui doit fixer la date des élections générales, mais cette question est d'abord abordée lors d’une réunion du caucus de députés afin de parvenir à un consensus;
  • L'unanimité n'est pas requise pour l’adoption des projets de loi ou d'autres décisions de la Chambre, mais elle est souvent obtenue. Les députés ordinaires ne votent pas contre les mesures gouvernementales pour le simple plaisir de s'y opposer. Le consentement unanime est très souvent accordé aux députés qui demandent la permission de conclure leurs déclarations, pour le renvoi de déclarations de ministres pour examen en comité plénier, pour faire progresser un projet de loi du gouvernement à travers les étapes du processus législatif plus rapidement que d'habitude, ou pour diverses autres mesures;
  • Les députés ordinaires demandent souvent aux ministres de rendre des comptes au sujet de leur administration lors de la période des questions orales, mais le ton des débats à l'Assemblée législative est marqué par une plus grande civilité que celle qui se manifeste souvent dans les assemblées législatives partisanes. Les railleries sont très rares. Il est à noter que, bien que l'Assemblée législative ait tenu plus de 400 jours de séance depuis la création du territoire le 1er avril 1999, aucun président de l'Assemblée législative n’a eu à expulser un député de la Chambre pour désordre ou violations répétées des règles de l'Assemblée législative;
  • Les nominations des hauts fonctionnaires indépendants de l'Assemblée législative sont recommandées par l'Assemblée législative dans son ensemble, et non uniquement par le Conseil des ministres ou le chef du gouvernement;
  • Les comités permanents de l'Assemblée législative exercent une plus grande influence sur le gouvernement que dans la plupart des assemblées législatives canadiennes. Par exemple, les comités permanents examinent les plans d’activités annuels du gouvernement ainsi que les ébauches du budget principal des dépenses et du budget des immobilisations avant leur présentation officielle à la Chambre. Cela permet aux députés ordinaires de recommander des changements aux plans de dépenses et aux initiatives gouvernementales avant qu'ils ne soient finalisés. Les comités permanents ont également la possibilité d'examiner les propositions de nouvelles lois avant qu'elles ne soient déposées à la Chambre sous la forme de projet de loi.

Les trois pouvoirs du gouvernement

Le Canada est une monarchie constitutionnelle. Comme dans les autres provinces et territoires canadiens, le gouvernement du Nunavut compte trois branches : le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire.

Chaque division du gouvernement possède des pouvoirs et des responsabilités bien définis. En termes généraux :

  • Le pouvoir législatif du gouvernement comprend l'Assemblée législative et le commissaire. L'approbation d'une majorité de députés et la sanction du commissaire sont nécessaires pour qu’un projet de loi devienne loi. La plupart des projets de loi sont présentés par le gouvernement et parrainés par un ministre. Le pouvoir exécutif du gouvernement doit rendre des comptes à l'organe législatif du gouvernement. Cela est très clairement illustré par le fait que le premier ministre et les ministres demeurent en fonction à la discrétion de l'Assemblée législative.
  • La Loi sur le Nunavut stipule que le commissaire du Nunavut est l’administrateur général du Nunavut, un rôle semblable à celui du gouverneur général à l'égard du gouvernement fédéral ou d'un lieutenant-gouverneur par rapport à un gouvernement provincial. Le pouvoir exécutif du gouvernement est dirigé par le premier ministre et le Conseil exécutif, qui sont des députés de l'Assemblée législative. Les ministères, les conseils, les sociétés d’État et d’autres entités du gouvernement du Nunavut appliquent les lois du Nunavut et offrent des programmes et des services gouvernementaux. Le pouvoir exécutif détient la « prérogative de la Couronne » pour initier des législations à caractère financier visant à prélever des impôts ou dépenser de l'argent public.1
  • Le pouvoir judiciaire du gouvernement est, dans les faits le système judiciaire. Le pouvoir judiciaire est chargé d'interpréter les lois. Le Nunavut est unique au Canada, car il possède un seul niveau de tribunal – la Cour de justice Nunavut.

1. Cela est bien illustré par le fait que les députés, qui ne sont pas membres du Conseil exécutif, ne peuvent présenter de projets de loi de crédits visant à dépenser de l'argent public ou à augmenter les impôts. Un « projet de loi de finance » ne peut être présenté à l'Assemblée législative sans être accompagné d'un message particulier désigné par l’expression « recommandation royale ». Il s'agit d'un message officiel écrit par le commissaire, agissant sur les conseils du gouvernement, qui recommande à l'Assemblée législative l’adoption de la législation financière.

Principes fondamentaux du gouvernement parlementaire

Le système canadien de gouvernement parlementaire est souvent nommé « gouvernement responsable » ou «gouvernement de type Westminster ».2 Les principes les plus importants de ce système tels qu’ils s'appliquent au Nunavut comprennent :

  • Le respect du principe de « privilège parlementaire ». Les droits, pouvoirs et privilèges de l'Assemblée législative et de ses députés sont énoncés dans la Loi sur l'Assemblée législative et le Conseil exécutif. Les privilèges parlementaires englobent les droits et pouvoirs des députés élus en tant qu'individus dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions, et les droits et pouvoirs de l'institution dans son ensemble;
  • Les privilèges collectifs de l'Assemblée législative en tant qu'institution comprennent le droit d'établir ses propres règles et procédures, le droit de contrôler ses propres publications, le pouvoir de punir des individus pour outrage à l’Assemblée, le droit à la discipline de ses membres et le pouvoir de convoquer des témoins et de réclamer des documents;
  • Le gouvernement - le premier ministre et le Conseil des ministres – demeurent en fonction en conservant la « confiance» de l'Assemblée législative dans son ensemble. Par exemple, une motion de non-confiance envers un ministre, si elle est adoptée, peut entraîner le départ de ce ministre du Conseil des ministres. Cela s'est produit à une occasion au cours de la première Assemblée législative du Nunavut (1999-2004);
  • La solidarité du Conseil des ministres est nécessaire. Les ministres peuvent bien entendu émettre leur opinion au cours des délibérations à huis clos du Conseil des ministres et de ses comités, mais lorsqu’une décision collective a été prise, tous les ministres sont censés la soutenir publiquement. Par exemple, les ministres sont appelés à voter en faveur de projets de loi déposés par le gouvernement, alors que les députés ordinaires peuvent voter comme ils l'entendent;
  • Les ministres, à titre de dirigeant politique de leurs ministères respectifs et à titre de membre du Conseil des ministres, doivent rendre des comptes à l’Assemblée législative au sujet des politiques, des décisions et des actions du gouvernement.

2 Westminster est le nom du district de Londres où est situé le parlement britannique. Plusieurs principes et traditions du système parlementaire britannique ont été adoptés au Canada.

  • Le gouvernement présente ses priorités et le programme législatif au début de chaque nouvelle session de l'Assemblée législative par le biais du discours d'ouverture du commissaire (aussi appelé « discours du Trône »);
  • La fonction publique (la « bureaucratie ») doit maintenir une neutralité politique. Les fonctionnaires doivent fournir des conseils professionnels et impartiaux à leurs ministres, et mettre en oeuvre les décisions prises par le gouvernement. Les fonctionnaires rendent des comptes à l'Assemblée législative par le biais des ministres dont ils relèvent;
  • Les projets de loi autorisant l'utilisation de fonds publics (processus budgétaire) et la collecte de fonds par le biais de mesures fiscales peuvent être initiés uniquement par le gouvernement (voir note n° 1 concernant les « projets de loi de finance »);
  • Les députés de l'Assemblée législative ont accès à différents outils lorsqu’ils souhaitent demander au gouvernement de rendre des comptes. Cela comprend notamment les périodes de questions orales et écrites, la présentation de motions, l’obligation de fournir sur demande des réponses écrites aux pétitions déposées par les députés et aux rapports des comités permanents et spéciaux de l'Assemblée législative;
  • Le gouvernement doit également en vertu de certaines lois déposer tous les ans un certain nombre de rapports et d’autres documents. Ces rapports portent sur les activités du gouvernement dans un certain nombre de domaines variés;
  • Les hauts fonctionnaires indépendants de l’Assemblée législative et le vérificateur général du Canada présentent des rapports annuels au Comité plénier de l’Assemblée législative.